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Article Reptilma n°7:les tortues de Californie



 
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 Article Reptilma n°7:les tortues de Californie

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Loïc M
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Loïc M


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MessageSujet: Article Reptilma n°7:les tortues de Californie   Article Reptilma n°7:les tortues de Californie Icon_minitimeSam 11 Aoû - 17:51

Dans le désert de Mojave



Nous avons quitté Oackland ce matin même à brod de notre mythique "voiture du désert".
Cette vieille Buick grise affiche à son compteur plusieurs milliers de kilomètres parcourus sur les routes poussiéreuses de l'état de Californie.
Son propriétaire,James Buskirk,est un herpétologiste américain,spécialiste des tortues.
Le but de de notre périple est d'observé in situ la tortue fouisseuse d'Agassiz ( Gopherus agassizii ).
Nous mettons le cap sur le désert de Mojave pour tenter de surprendre cet étrange chélonien menacé.

Décrite par Cooper en 1963,la Tortue d'Agassiz appartient au genre Gopherus qui comprend actuellement 4 espèces de tortues terrestres originaire d'Amérique du Nord.
Gopherus agassizii est présente dans quatre états du sud-ouest des USA ( Arizona,Californie,Nevada et Utah ) et dans deux états du nord-ouest du Mexique ( Sinaloa et Sonora ).
L'espèce est également connue de l'île de Tiburon dans le golfe de Californie.
La Tortue fouisseuse d'Agassiz atteint une taille de 37cm de longueur.
Le mâle est plus grand que la femelle.
La couleur générale noir de sa carapace la rend particulièrement homochrome avec son milieu de vie.
Les jeunes possèdent une tache marron clair à orange au niveau de chaque aréole.
Son observation dans la nature demeure hypothétique,en raison de la discrétion de l'animal et de la faible densité des animaux.

Après deux journées de voiture sur les routes interminablement longues de Californie,nous décidons de passer la nuit à Barstow.
Cette petite ville sans grand intérêt pour le voyageur semble avoir perdu son âme.
A mi-chemin entre Los Angeles et Las Vegas,Barstow est située en bordure de la célèbre route 66 surnommée autrefois "Main street of America".
Avant de plonger dans sommeil réparateur,nous repensons aux images emmagasinées durant cette journée.
Bien entendu,ce sont principalement les Arbres de Josué ( Yucca brevifolia ) qui ravivent nos souvenirs.
Nous avons observé pour la première fois sur la route 58,entre les villes de Téhacapi et Mojave,plus précisément à hauteur des monts Tehacapi.
Courbés,hérissés de pointes végétales acérées,ces arbres candélabres de la grande famille des Yuccas apparaissent étrangement tourmentés par l'emprise du temps.
Endémique du désert de Mojave,l'Arbre de Josué est un indice irréfutable quant à notre localisation.
Nous n'avons jamais été aussi proche du but fixé.
Nous prenons un petit déjeuner copieux qui doit subvenir à nos besoins jusqu'au soir.
Pour un peu moins de sept dollars,on nous sert une omelette noyée dans un patchwork de fromages aux couleurs aposématiques.
Le tout arrosé du légendaire ketchup et décoré d'une langue croustillante de bacon.

Nous avons rebroussé chemin sur la route 58,dépassé la ville de Mojave et bifurqué sur la droite en empruntant une piste,soulevant à notre passage d'épais nuage de poussière.
La piste longe un lac asséché dont le fond mis à nu est tapissé de cristaux de sel.
James sourit légèrement,ses mains crispés sur le volant de la voiture.
Il se tourne vers moi en m'indiquant de son regard aiguisé le splendide paysage qui s'offre à nous: " nous y sommes,les tortues vivent ici ".
La stupeur me saisit tout entier.
Comment la vie s'organise-t-elle dans un tel milieu à priori stérile?
La caillasse omniprésente,la végétation buissonnante sèche et le sol meurtri par un soleil oppressant sont autant de bornes hostiles à l'épanouissement de la vie.
Décidément,la nature s'impose toujours dans les limites de l'imagination humaine.
Nous longeons les clôtures qui délimitent l'aire protégée de la Tortue du désert.
Des panneaux de prévention informent les visiteurs sur la conduite à tenir en cas de rencontre inopinée avec une tortue.

Nous laissons notre véhicule en bordure de la piste.
Premier pas dans ce décor lunaire.
Et la vie éclate devant nos yeux sous la forme de splendides cactus ( Opuntia basilaris ) dotés d'inflorescences mauves à l'extrémité de chaque raquette d'une grandes variétés de fleurs,de petits Écureuils terrestres ( Spermophilus mohavensis ) qui coupent notre trajectoire à une vitesse fulgurante.
Bien sûr,les lézards sont nombreux mais trop rapides pour nos prises photographiques,notamment ces nombreux Gambellia wislizenii wislizenii qui animent de leur mouvement les abords de la piste.
Un superbe Callisaurus draconoides draconoides,le lézard le plus rapide du désert de Californie,feint de se laisser approcher avant d'entreprendre un démarrage supersonique.
Une longue couleuvre effilée ( Masticophis flagellum piceus ) file entre mes mains maladroites.
Dans toute entreprise naturaliste,la patience s'impose comme la plus sage des vertus.

La chaleur monte peu à peu.
Nos prospections nous conduisent dans une ravine apparemment propice.
James me devance d'une trentaine de mètres.
Toujours rien,pas l'ombre d'une écaille de tortue.
En descendant vers le lac salé,je découvre sur le sol de multiples fragments de tortue.
A l'instar de la majorité des chéloniens,de nombreuses menaces pèsent sur l'avenir de Gopherus agasizii.
L'activité humaine croissante a engendré une augmentation progressive des populations de corbeaux ( Corvus corax ).
Ces oiseaux ont fait chuter de manière inquiétante les effectifs juvéniles en milieu naturel.
D'autre part,le coyote,le lynx,l'aigle royal et le Monstre de Gila ( Heloderma suspectum ) sont connus comme étant les principaux prédateurs des pontes,des jeunes et des adultes.
Mais les tortues sont aussi victimes du trafic routier,du ramassage illégal et du développement alarmant d'une maladie respiratoire transmise aux animaux sauvages par des animaux captifs relâchés..
En revanche,un gros travail d'information est effectué par las autorités compétentes pour sensibiliser l'opinion publique sur le devenir de Gopherus agasizii.
Aujourd'hui,la Tortue fouisseuse est certainement l'une des Gopherus que l'on connait le mieux.
Il faut espérer que ces efforts contribueront à sauvegarder cet animal emblématique du désert de Mojave.

En contrebas,nous distinguons un terrier de tortue typiquement en forme de demi-lune.
Les traces fraiches laissées sur le sol à l'entrée du trou,l'absence de toile d'araignée obstruant l'entrée ainsi que la terre récemment creusée et retournée nous indique que ce terrier,à l'inverse des autres visités jusqu'à présent,semble occupé.
A l'aide de ses pattes cuirassées,Gopherus agassizii creuse un terrier qui peut atteindre une longueur de dix mètres dans lequel elle passe le plus clair de son temps.
Cette cachette est un véritable micro-habitat qui l'abrite des fortes chaleurs et des coups de froids hivernaux.
Au fond du terrier,la température est basse et l'humidité importante.
Ces conditions particulières permettent entres autres à la tortue de minimiser la perte de ses réserves d'eau par évaporation,notamment lors des périodes de sécheresse prolongée.
Son terrier sert aussi de retraite pour d'autres espèces animales comme le crotale ( Crotalus viridis ) ou quelques espèces de petits rongeurs ( Neotoma sp. ).
Gopherus agassizii est active de fin avril à juillet.
Elle rentre en hibernation entre octobre et novembre.
D'une manière générale,son activité dépend étroitement des populations considérées et de leurs situations géographiques ( latitudes,altitudes ).
La tortue fouisseuse d'agassiz est active principalement le matin et en fin d'après-midi,en dehors des grosses chaleurs qui s'abattent sans relâche sur le désert.
Elle s'aventure à découvert par temps orageux.
Durant ces courtes périodes d'activité,les tortues quittent leur terrier en quête de nourriture.
Leur alimentation se compose essentiellement de plantes et de fleurs.
La tortue ajoute à son menu des fragments d'os,de petits et de la terre.
Ces derniers éléments ont un rôle physiologique non négligeable.
Nous poursuivons notre descente vers le lac salé.
"Tortue,tortue" s'exclame James,tout excité à la vue de notre première Gopherus.
Curieusement,l'animal n'est pas craintif.
Il semble même nous observer.
Quelques feuilles miraculeusement vertes dépassent de ses mâchoires robustes.
La tortue broutait de jeunes pousses lorsque nous l'avons surprise.
James me répète qu'il ne faut absolument pas la toucher.
Sous l'effet du stress,la tortue défèque inutilement,perdant ainsi ses précieuses réserves d'eau.
Et l'eau est déterminante dans ce milieu austère.
Immobile,la tortue ne cherche pas à fuir.
Je profite de l'opportunité pour immortaliser sur pellicule ce premier contact.
La tortue décide de s'activer doucement.
Elle se dirige dans ma direction,frôle de sa lourde carapace,mon bras et mon objectif photo,me contourne puis s'arrête tout en restant attentive au moindre de mes gestes.
Son regard ne cesse de me surprendre.
Cette tortue m'apparait plus humaine que reptilienne.
Elle finit par s'éloigner,me laissant cloué au sol sur un tapi d'inconfortables épines et cailloux saillants.
Haute sur ses pattes,elle arpente les terres du désert de Mojave avec cette assurance d'une vieille dames de 75millions d'années.
Quelques dizaines de mètres plus loin,la tortue s'arrête à l'ombre d'un frêle buisson,sa tête plongée dans la fraicheur végétale.
Notre travail photographique terminé,nous décidons de quitter les lieux.

Ces derniers jours,la pluie c'est abattue avec virulence sur le désert de Mojave.
Il n'en faut pas moins pour que toute une vie maintenue cloitrée durant des mois explose au grand jour en une symphonie de couleurs et d'odeurs enivrantes.
Le sol se couvre de fleurs mauves,violettes,jaunes,bleues,vertes,oranges...
Les insectes s'agitent,butinent de fleurs en fleurs.
Les chenilles découpent et avalent goulûment la chair succulente des plantes.
Dans un silence religieux,nous pénétrons dans l'intimité profonde du désert.
Notre progression est volontairement lente,la voiture roule au pas.
Un Cnemidophorus tigris tigris traverse la piste,par avancées rapides mais saccadées.
Le saurien darde de sa langue bifide le sable chaud,contourne une pierre isolée et disparait sous l'imposante ossature d'un rocher à l'arrête tranchante.
De somptueuses espèces de lézards sont observées:Crotaphytus insularis vestigium,Dipsosaurus dorsalis dorsalis,Sauromelus obesus obesus,Sceloporus magister uniformis.
James interrompt notre discussion en stoppant net la voiture.
" Phrynosoma,Phrynosoma,là,regarde sur la droite " me lance t-il nerveusement.
Effectivement sur le bas côté de la piste,on devine avec difficulté un lézard de petite taille qui semble aussi large que long.
Il se chauffe au soleil,posé posé sur le sable dont il a pris ingénieusement les mêmes couleurs.
Ses yeux mi-clos,il reste d'une attention dénuée de crainte.
Nous nous approchons à une quinzaine de centimètres pour photographier notre premier Phrynosome de la journée.
Avec ses petites cornes pointues,ce myrmécophage avéré est un trésor de perfection.
Nous profitons de cette arrêt pour nous attarder sur un très beau cactus ( Ferocactus acanthodes ) qui a élu domicile au sommet de rochers peu avenants.
Tout autour de nous,l'habitat est dominé par la présence d'arbres à créosote ( Larrea tridentata ).
Cet arbuste buissonnant de la famille des Zygophylacées possèdent de petites feuilles vertes enduites d'un revêtement cireux particulièrement odorant.
Localement,cet arbuste est utilisé comme traitement anti-infectieux.
Mais l'une de ses caractéristiques les plus étonnantes résident dans sa longévité exceptionnelle:plus de 10000ans!!!
Ce qui fait de l'Arbre à créosote l'un des recormen de longévité dans tout le règne végétal.
Nous rencontrons notre deuxième Gopherus au pied d'un Arbre à créosote.
Il s'agit d'un jeune spécimen mesurant 17,5cm de long.
Contrairement à notre première observation,cette tortue se replie tête et pattes dans sa carapace.
Il nous est impossible d'apprécier davantage la beauté de l'animal.
A l'horizon,le soleil disparait par-delà quelques basses montagnes.
Le temps est venu de quitter ce désert qui nous a fait vivre de mémorables journées.
Nous n'oublierons pas le désert de Mojave et et ses tortues.





Texte de Jérôme Maran
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