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Article Reptilmag n°8:Les tortues de Californie



 
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 Article Reptilmag n°8:Les tortues de Californie

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Loïc M
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Loïc M


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MessageSujet: Article Reptilmag n°8:Les tortues de Californie    Article Reptilmag n°8:Les tortues de Californie  Icon_minitimeMer 5 Sep - 13:05

Dans les rivières de l'état doré




La nuit s'est déroulée paisiblement à l'abri de grands pins majestueux chargés de pignes et de cigales.
Atour d'un jus d'orange frais et de tortillas appétissantes,j'observe attentivement l'activité soutenue de petits écureuils agiles.
Le soleil se lève lentement et enveloppe de son voile revigorant une nature superficiellement léthargique.
Le vent s'engouffre dans la vallée,caresse l'eau de la rivière,danse avec les feuilles morts qui jonchent le sol et termine sa course dans frondaisons épaisses des arbres.
James Buskirk,herpétologiste américain,m'a proposé de l'accompagner pendant ses recherches sur le terrain.
Il étudie depuis de nombreuses années la vie et les mœurs de l'unique tortue d'eau douce présente dans le nord de l'état de Californie:la clemmyde marbrée ( Clemmys marmorata ).
Nos derniers préparatifs terminés,nous quittons notre camp de base.
L'aventure peut commencer.

Le biotope visité est une rivière à eau clair et à fond rocheux qui serpente au milieu des flancs abruptes des montagnes avoisinantes.
Ce milieu me rappelle les rivières du Maroc avec ses eaux peu profondes d'une limpidité éclatante qui coule entre une myriade de rochers plus ou moins volumineux.
Curieusement,cette rivière est également bordée par de nombreux Tamariscus récemment introduits et de plus en plus envahissants.
Nous choisissons d'explorer la partie avale de la rivière.
Le courant est moyennement important sur l'ensemble de son parcours.
La progressions se fait à pied dans le lit même de la rivière ou en empruntant ses abords immédiats qui nous permettent de contourner les quelques vasques dont la profondeur exclut toute tentative directe de franchissement.
Les nombreuses Rana boylii que nous faisons fuit à notre approche constituent nos premières observations herpétologiques.
Cette petite grenouille est commune dans les ruisseaux non perturbés par l'homme.
Nous notons la présence de têtards ainsi que d’œufs lui appartenant.
Ces derniers sous la forme d'amas gélatineux,sont collés sur les faces latérales de galets immergés.
Pondus dans l'eau peu profonde,les œufs bénéficient d'une température adéquate et d'une eau renouvelée en permanence.
Brisant la surface de son corps écailleux,un thamnophis profite de notre surprise pour disparaitre à travers une ripisylve dense et inextricable.
Un peu plus bas,nous observons à quelques mètres de distance l'une de l'autre,deux espèces de thamnophis: Thamnophis infernalis et Thamnophis hydrophila.
Ces deux ophidiens particulièrement élégants avec leur lignes longitudinales jaunes,possèdent des mœurs aussi bien aquatiques que terrestres.
Nous surprenons un Thamnophis infernalis finissant d'ingurgiter une Rana boylii de belle taille.
Profitant d'une zone d'ombre,nous faisons une petite halte pour consigner dans nos carnets le fruit de nos observations.
L'âme musicienne,la rivière orchestre une eau légère qui ne cesse de fredonner un cliquetis mélodieux et rafraichissant.


Du Nord au Sud


Mais pour l'heure,les tortues se font discrètes.
Je profite de notre repos pour questionner James à propos de Clemmys marmorata.
De son nom commune clemmyde marbrée,Clemmys marmorata a été décrite en 1852 par Baird et Girard.
Cette espèce est présente uniquement dans l'ouest des États-Unis.
On la rencontre dans les états de Washington,Oregon,Californie ainsi que dans le nord-ouest de la Basse Californie,au Mexique.
En 1945,Seeliger distingue la forme du Nord,Clemmys marmorata marmorata,de la forme du Sud,Clemmys marmorata pallida.
Mais cette nouvelle interprétations taxinomique,fondée sur des différences principalement chromatiques,ne fait pas l'unanimité au sein de la communauté scientifique.
De nouvelles études sont nécessaires pour confirmer ou infirmer les conclusions de Seeliger.
Espèce de taille moyenne,Clemmys marmorata atteint 210mm de longueur.
La clemmyde marbrée occupe les mares,les lacs,les milieux aquatiques côtiers,ainsi que les rivières situées en plaine ou en montagne ( altitude maximale de 1500mètres).
De l'eau jusqu'aux chevilles,nous prenons garde à ne pas glisser sur une pierre recouverte d'une fine couche d'algue verte.
L'attente n'est pas longue et nous pouvons rapidement allonger la liste de nos découvertes grâce à la capture,certes acrobatique,d'une superbe Coluber constrictor mormon.
Paradoxalement,cette jolie couleuvre très nerveuse au prime abord,se laisse photographier.
James me montre un endroit propice à l'observation des tortues.
Il s'agit d'une vasque profonde de plus d'un mètre cinquante en son centre,dotée de pentes naturellement douces et prolongée par la présence de joncs.
Équipés de masques,nous plongeons dans cette eau cristalline.
La visibilité est parfaite.
Nous observons de nombreux poissons et des écrevisses aux pinces menaçantes.
Enfin nous capturons notre première tortue.
L'animal qui nous a certainement repéré depuis un moment s'est réfugié dans l’anfractuosité d'un énorme rocher complétement immergé.
Il s'agit d'une jeune femelle d'une quinzaine de centimètres de long.
De nombreux herpétologistes nomment cette espèce la cistude de Californie,en référence à son étonnante ressemblance avec notre sympathique cistude d'Europe ( Emys orbicularis ).
Les mâles des deux espèces se distinguent plus facilement que les femelles qui partagent beaucoup de similitudes morphologiques et phénétiques.
Chez Clemmys marmorata,présentent souvent le dessous de la gorge complétement blanc,l'extrémité du museau en pointe et parfois l'iris rouge brique.
Ces caractéristiques ne sont pas sans rappeler certains Bataguridae du sud est asiatique.
Toutes les tortues que nous observons dans cette rivière sont de taille moyenne.
D'une extrême vigilance,les clemmydes se réfugient dans l'eau au moindre danger.
Clemmys marmorata apprécie particulièrement les anfractuosités situées sous les roichers immergés,non seulement dans les parties calmes des rivières mais aussi dans les rapides et les petites cascades où les tortues se maintiennent solidement agrippées,grâce aux griffes de leurs pattes,dans des positions parfois périlleuses.
Les individus observées ici ont une coloration très claire:le plastron est entièrement jaune et la dossière est striée également de jaune.
Ce plastron,qui est un camouflage idéal dans ce genre de rivière,me fait penser à celui de la cistude hellénique ( Emys orbicularis hellenica ).
Nous trouvons une belle femelle à 1,50m de l'eau.
Dissimulée entre les pierres,l'animal tente d'escalader une berge au relief particulièrement abrupte.
Que fait-elle à l'écart de son milieu de prédilection?
Peut-être cherche-t-elle à pondre?
J'observe un autre individu broutant des algues vertes.
Clemmys marmorata est omnivore.
Son régime alimentaire se compose principalement de végétaux,d'invertébrés auquatiques divers,de poissons ainsi que de têtards et de grenouilles.
L'espèce ne dédaigne pas des lambeaux de chairs d'animaux morts ( mammifères ou oiseaux ).


Une foule de prédateurs


Nous découvrons notre premier nouveau-né dans une petite flaque d'eau putride et peu profonde ( à peine 10cm )située à 3m de la rivière.
Ce micro-habitat comporte tout les paramètres fondamentaux pour l'existence du frêle animal:eau calme,température appropriée ainsi que des ressources alimentaires inépuisables au regarde du nombre remarquable d'insectes et de larves qui habitent cette mare miniature.
A la naissance,les nouveaux-nés mesurent moins de 30mm.
La queue des jeunes tortues est aussi longue la carapace.
Dès leur plus jeune âge,les tortues sont la proie des hérons,mais également de prédateurs introduits tels que les grenouilles-taureau ( Rana catesbeiana ) ou les black-bass à grande bouche ( Micropterus salmoides ).
Nous avons rencontré ces deux prédateurs sur le terrain,parfois au cours de circonstances surprenantes.
La grenouille-taureau,appelée "bullfrog" par les américains,est présente sur la côte est des États-Unis.
Son aire naturelle de répartition s'étend du sud du Canada jusqu'au milieu de l'état de Floride.
Ses mensurations inquiétantes ( 25cm de longueur pour un poids de 1,8kg ) et son appétit gargantuesque la désignent comme un super-prédateur efficace et boulimique.
Autant dire que Rana catesbeiana ne fait pas la fine bouche:crustacés,poissons,grenouilles,têtards,tritons,serpents,tortues d'eau et oiseaux sont les proies habituelles de l'amphibien glouton.
Ajoutons à ces caractéristiques alarmistes pour la petite faune une stratégie reproductrice des plus compétitives:jusqu'à 45 000 œufs pour une seule femelle!!!
La grenouille-taureau a été introduite sur la côte ouest des États-Unis,notamment en Californie où elle menace sérieusement le devenir des populations naturelles de deux autres amphibiens,Rana aurora et Rana boylii.
Mais Rana catesbeiana s'est également implanté avec succès dans d'autres régions du globe:Hawaï,Mexique,Cuba,Bahamas,Jamaïque,Japon,Espagne,Hollande,Angleterre et France.
L'espèce doit son caractère cosmopolite à la négligence et à l'inconscience humaine.
En France,la grenouille-taureau ne cesse d'étendre sa présence autour de Bordeaux.
Si,comme l'écrit judicieusement l'herpétologiste Alain Dupré: "on exagère parfois les risques des espèces échappées sur notre territoire",tel n'est pas le cas de Rana catesbeiana .
Un groupe de naturalistes mène actuellement une campagne visant à éradiquer l'indésirable de Gironde.
En Californie,j'ai pu constater à quel point l'espèce est commune dans de nombreuses collections d'eau.
Les têtards tapissent le fond de certaines rivières et leur capture revêt toujours un aspect insolite tant leur taille est hors norme ( jusqu'à 17cm de longueur!!!! )

Le black-bass à grande bouche est largement répandu en Amérique du Nord.
Il a été introduit en France à la fin du XIXème siècle.
Poisson de grande taille,le black-bass mesure jusque 70cm pour un poids record de 9,6kg.
La perche soleil ( Lepomis gibbosuss ) est une autre espèce allochtone qui appartient à la même famille des Centrarchidés.
Cette espèce,qui ne dépasse pas 20cm,se rencontre également dans la majorité des cours d'eau calme français.
Comment puis-je oublier ma première rencontre avec un black-bass?
Accroupi dans l'eau d'une mare,je progressais calmement en prenant garde de ne pas attirer l'attention de quelques clemmydes occupées par leur bain de soleil matinal.
Je rejoignais une cache idéalement située pour réaliser de beaux clichés photographiques,lorsque mes mollets furent pris pour cible par des assaillants déterminés.
Cette désagréable et douloureuse surprise me fit bondir de l'eau,faisant fuir par la même occasion les tortues nullement compréhensives.
Deux énormes black-bass tournoyaient autour de moi et se jetaient,gueule ouverte,sur mes mollets.
Les poissons étaient farouchement décidés à en découdre avec cette proie humaine inattendue.
De cet affrontement désopilant pour l'agressé,je ne gardais temporairement que de timides égratignures.


Des rencontres insolites


Tout au long de ce périple,nous avons fait d'étranges rencontres,qui n'ont cessé de forcer notre admiration pour cette nature riche et généreuse.
Je venais de capturer un superbe Lampropeltis getulus californiae en bordure d'une rivière.
J'observais l'ophidien qui se contorsionnait de tout ses puissants muscles entre mes mains maladroites quand mon attention se porta sur un mystérieux animal qui nageait avec la plus grande des aisances à travers les longues herbes aquatiques vertes.
L'animal remonta à la surface dans une discrétion absolue.
Seule sa tête rondelette laissa apparaître d'actifs yeux ronds ainsi que de longues vibrisses blanches.
Il s'agissait d'une loutre ( Lutra canadensis ).
L'animal replongea et disparut rapidement.
Je restai immobile de longues minutes.

L'heure est au départ.
Je m'attarde une dernière fois sur un sympathique Bufo boreas halophilus qui explore les berges humides de la rivière.
Du haut de quelques buissons verts,d'intrépides Hyla regilla entonnent des coassements vespéraux aigus.
A bord de notre courageuse volkswagen,nous quittons avec regret la rivière.
Exténué par la journée et bercé par les tournants incessants d'une route sinueuse,je m'endors.
Mais très rapidement,James me sort de mon sommeil de plomb:"a rattlesnake,a rattlesnake!!!",un crotale!
La voiture stoppée,nous descendons à la rencontre de ce serpent américain mythique.
Effectivement,il s'agit d'un crotale vert ( Crotalus viridis oreganus ) qui,profitant de la soirée,tente de traverser la route goudronnée encore chaude.

Nous avons parcouru plus de quatre milles kilomètres à travers la Californie dans le seul but d'observer les clemmydes marbrées.
De nombreux dangers pèsent sur l'avenir de ces tortues.
Là encore,l'activité humaine ( assèchement des marais,ramassage ou destruction des animaux,utilisation de pesticides) entraîne des conséquences souvent désastreuses sur l'existence des populations de Clemmys marmorata .
Pourtant,notre mémoire est chargée d'impérissables souvenirs naturalistes.
Comment oublier l'époustouflante beauté de la vie qui s'exprime pleinement à travers ces rivières limpides,ces collines couvertes de coquelicots dorés,ces paysages démesurément grandioses qui nous rappel à quel point notre place,en tant qu'humain,est modeste?





Texte de Jérôme Maran
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