Article Reptilmag n°6: Acrantophis dumerili

Maintien et reproduction en captivité du Boa de Dumeril

Madagascar est une grande île située au large des côtes du Mozambique dans l'océan indien.
Elle est habitée par des centaines d'espèces d'animaux dont certains n'existent nulle par ailleurs.
Au sein de cette faune unique,on trouve trois espèces de serpents appartenant à la famille des Boïdés:le Boa arboricole de Madagascar (Sanzinia madagacariensis),le Boa terrestre de Madagascar ( Acranthophis madagascariensis ) et le Boa de Dumeril ( Acrantophis dumerili ),sujet de cet article.


Étymologie


Les malgaches le nomment "Bado" ou "Ankoma".
Je n'ai pas trouvé la signification exacte de Acrantophis,mais en grec,acrant signifie sans fin et ophis signifie serpent.
Le nom de l'espèce dumerili est un hommage à André Dumeril,médecin et naturaliste français du 18ème siècle.


Distribution


L'aire de répartition du Boa de Dumeril comprend le sud,le sud-ouest,le sud-est,l'ouest et le sud du plateau centrale de Madagascar.


Habitat et mœurs


Le Boa de Dumeril fréquente les savanes sèches et les forêts clairsemées.
On le trouve aussi aux abords des villages.
Les paysans de l'ouest l'utilise d'ailleurs dans la lutte contre les rats.
C'est un serpent terrestre qui vit et chasse principalement la nuit.
La journée,il trouve souvent refuge dans les terriers de certains mammifères.


Descritpion


Bien que différent sur certains points,Le Boa de Dumeril à une morphologie proche de celle du Boa constricteur ( Boa constrictor ssp.).
C'est un serpent puissant et massif,qui possède une tête triangulaire bien démarquée du corps.
La tête est recouverte d'une multitude de petites écailles.
Ceci le différencie,entre autres,du Boa terrestre de Madagascar ( Acrantophis madagascariensis ) qui a de grosses écailles sur l'avant de la tête ainsi qu'entre les yeux.
Le Boa de Dumeril possède une coloration qui lui permet de se confondre parfaitement dans son environnement.
Sa couleur générale est marron clair tirant vers le orange ou le rose pâle selon les spécimens.
Le dos est marqué de taches marron foncé en forme de double U qui se poursuivent sur les flancs en formant des taches plus ou moins rondes.
Le ventre est blanc crème.
La tête est arquée sur le dessus de petits dessins marron foncé de forme allongée,ces dessins sont différents d'un spécimen à l'autre.
Sur les côtés de la tête,une ligne sombre part de la narine jusqu'au coin de la bouche en passant par l’œil.
Les lèvres sont souvent tachetées de brun foncé.
A taille adulte,Acrantophis dumerili peut atteindre deux mètres,mais la plupart des spécimens mesurent entre un mètre quarante et un mètre soixante dix.


Maintien en captivité


Terrarium:
Pour le choix du terrarium,il faut privilégier la surface au sol,la hauteur n'est pas importante pour cette espèce terrestre.
Je loge mes adultes,individuellement dans des terrariums Vision Cage de 120X70X45,munis de deux portes coulissantes en verre.
Il est important de rajouter une serrure car les boas sont des serpents puissants qui arrivent souvent à faire glisser les portes en se frottant contre elles.
La circulation de l'air doit être assurée par deux aérations ( de préférence avant et arrière ).
Le sol doit être garni d'une bonne épaisseur de substrat car le Boa de Dumeril aime s'y enfouir.
On peut utiliser des copeaux de hêtre ou des copeaux de pin.
Si vous utilisez ( comme moi ) du papier journal,il est impératif de fournir aux animaux des cachettes pour qu'ils se sentent en sécurité.
Hormis les cachettes,je n'utilise pas de décors particuliers.
Ceci étant,des racines peuvent être utilisées,en plus de l'aspect esthétique,elles seront utiles au serpent lors de la mue.

Températures,hygrométrie,éclairage
Les températures diurnes de maintenance sont de 30°C en zone chaude et 26°C en zone fraiche.
La nuit la température descend à 24°C.
Le chauffage est assuré par un tapis chauffant placé sous un tiers du terrarium et contrôlé par un thermostat Habistat.
Mes animaux sont éclairés par la lumière du jour,je n'utilise pas de lumière artificielle.
L duré du cycle jour/nuit varie donc avec les saisons.
Le boa de Dumeril fréquente un biotope relativement sec,le taux d'hygrométrie ne doit pas excéder 60%.
Un taux d'humidité trop élevé serait néfaste à cette espèce.
Un bac d'eau doit être présent en permanence.
J'utilise des gamelles en grès pour chien qui ont l'avantage d'être très lourdes,limitant les risque de renversement.

Nourriture
Dans la nature,le Boa de Dumeril se nourrit principalement de souris et de rats,il est donc assez facile à alimenter en captivité.
C'est une espèce qui possède en général un bon appétit et qui accepte sans problème des proies mortes,même décongelées.
Cependant certains spécimens sont parfois plus délicats et refusent certains types de proie.
A taille adulte, le Boa de Dumeril mange de gros rats;donc je pense qu'il est préférable de donner du rats de taille adaptée dès le plus jeune âge.
Il arrive parfois que des spécimens démarrés à la souris ne veulent plus manger autre chose,ce qui devient vite un problème lorsque l'animal atteint une taille conséquente.


Reproduction


Détermination des sexes
Le Boa de Dumeril est facile à sexer,c'est une des rares espèces de Boïdés où seuls les mâles possèdent des ergots.
Chez la femelle,ils sont inexistants ou très atrophiés.
On peut aussi déterminer le sexe en sondant les animaux.
chez le mâle,la sonde descend à une profondeur équivalente à 12 écailles sous-caudales contre 4 chez la femelle.

Taille et maturité sexuelle
Comparativement à d'autres boas,la maturité sexuelle est assez tardive chez Acrantophis dumerili.
Elle oscille entre 4 et 5 ans pour les femelles et 3 et 4 ans chez les mâles.
Mes animaux se sont reproduits pour la première fois à l'âge de 7ans.
Les deux années précédentes,ils s'étaient accouplés,mais je n'ai eu aucune naissance.
En ce qui concerne la taille,il est évident qu'il est préférable d'attendre que les femelles mesurent au minimum un mètre cinquante pour les reproduire.
En ce qui concerne le mâle la taille n'a pas d'importance.

Conditions préalables
Dans la nature,les conditions climatiques changent suivant les saisons et définissent la période de reproduction.
En captivité,il parait nécessaire de recréer ces changements pour lancer le cycle de reproduction.
Il existe différentes politiques sur la façon de cycler les reproducteurs.
Voici comment j'ai procédé,mais d'autres éleveurs utilisent d'autres techniques parfois assez différentes avec succès.
Le premier point important pour réussir la reproduction est,comme toujours,d'avoir des animaux en bonne santé,avec un embonpoint suffisant.
Début novembre,je commence à réduire la fréquence des repas qui passent de deux par moi à un seul.
Les températures de jour sont maintenues,la température de nuits baisse de deux degrés.
En décembre je cesse de nourrir les animaux.
Les températures descendent progressivement pour atteindre 28°C au point chaud,24°C au point frais la journée et 20°C la nuit.
A ce moment,j'introduis le mâle dans le terrarium de la femelle.
Pendant cette période on peut observer que la femelle grossit,c'est un signe d'ovulation.
Certains éleveurs préconisent de pulvériser les animaux pour les stimuler,personnellement,je ne l'ai pas fait.

Accouplements
Les accouplements commencent peu de temps après l'introduction du mâle et s'étendent sur plusieurs mois,en général jusqu'à début mars.
Comme chez beaucoup de Boïdés,le mâle agit avec une grande douceur pour stimuler la femelle.
Il se frotte contre elle en la caressant avec ses ergots tout en cherchant à aligner son cloaque avec le sien.
Lorsque celle-ci est prête,il pénètre la femelle avec un de ses hémipénis.
Cette étape peut durer plusieurs heures.
J'ai observé des accouplements aussi bien la journée que la nuit.

Gestation,naissances
Début mars,le mâle est replacé dans son terrarium.
Je remonte progressivement les températures pour retourner aux conditions de maintenance habituelles.
La femelle bénéficiera en plus d'un point chaud localisé à 35°C.
De la nourriture est à nouveau proposée.
en général,le mâle comme la femelle retrouvent leur appétit.
On dit souvent que les femelles arrêtent de se nourrir pendant la gestation.
Cependant j'ai pu constater chez différentes espèces de boas qu'elles continuent à manger voracement et s'arrêtaient seulement quelques semaines avant la mise bas.
Il faut par contre donner des proies deux fois plus petites que d'habitude afin de ne pas endommager les embryons.
La période de gestation est assez variable et peut durer de 5 à 8 mois.
Compte tenu de la longue période d'accouplement il m'est difficile de déterminer avec précision de la durée de gestation de ma femelle.
J'ai observé des accouplements très net en février et les jeunes sont nés le 18 juillet.
La mise bas a eu lieu dans journée,mais je ne sais pas à quelle heure exactement,je n'ai pas eu la chance d'y assister.
Je pense que cela s'est produit en fin d'après-midi.
J'ai découvert les bébés à 19heures,il y avait 9 jeunes vivants ( 4 mâles et 5 femelles ),un mort né qui n'avais pas absorbé le contenu du sac vitellin et une ovule non fécondé.
A la naissance,les jeunes mesuraient en moyenne 45cm pour un poids de 95 à 100g.


Soins apportés aux jeunes


J'ai récupéré rapidement les jeunes par groupe de 4 et 5 dans deux grandes boites plastique de 60X40X15cm,munies d'un couvercle.
Les boites étaient garnies d'une bonne épaisseur de substrat ( écorces de pin ) humide et d'un bac d'eau.
Il est capital de maintenir les nouveaux-nés dans une atmosphère très humide pendant les premières 48heures de leur vie.
Ceci est valable pour beaucoup de Boïdés.
La température dans les boites était de 26-28°C avec un point chaud à 30-32°C.
Les jeunes furent maintenus dans ces conditions pendant deux semaines.
Après leur première mue,chaque serpent fut installé individuellement dans une boite de 40X20X15cm équipée d'un papier journal comme substrat,d'un bac d'eau et d'une cachette.
Pour le premier repas,j'ai distribué des bébés rats vivants ( sans danger ) à la tombée de la nuit.
La quasi totalité des jeunes a démarrés sans problème.
Au bout d'un mois,tous acceptaient des proies mortes distribuées à l'aide d'une pince.


Protection


Avec ses 587000KM²,Madagascar est la quatrième plus grande île du monde.
A l'origine,la forêt recouvrait pratiquement toute l'île,aujourd'hui seulement 16% de la surface de Madagascar est encore recouverte de forêt.
200000 à 300000ha forestiers disparaissent tout les ans.
La destruction de l'habitat est la première cause de disparition de la faune.
De plus,certaines espèce comme Acrantophis dumerili et Acrantophis madagascariensis sont victimes des croyances et de l'artisanat local.
Le futur semble bien noir pour les boas de Madagascar car les dégâts commis par l'homme sont irréversibles.
Le Boa de Dumeril est par contre très reproduit et maintenant établi en captivité.
Certains scientifiques américains n'hésitent pas à dire que la seule chance de survie de cette espèce est la conservation et son élevage en captivité.
Des projets de Studbook ( fichier de recensement des animaux captifs ) ont d'ailleurs été élaborés outre-Atlantique.
Je pense que dans ce cas précis,la terrariophilie joue un rôle important pour empêcher la disparition pur et simple de cette espèce.
Ceci devrait donner à réfléchir à nos détracteurs les plus extrémistes.
Le Boa de Dumeril est inscrit en annexe 1 de la convention de Washington et annexe A du règlement communautaire,ce qui rend son importation impossible,sauf à des fins scientifiques.
Seul les animaux reproduits et nés en captivité peuvent être acquis.
Chaque spécimen doit être accompagné d'un permis CITES au nom de l'éleveur ou du dernier propriétaire,d'une puce électronique d'identification à transplanter dès que la taille de l'animal le permet et d'un certificat de cession ou d'une facture.
Attention,en cas de contrôle,si vous êtes dans l'impossibilité de fournir ces justificatifs,vous encourez de graves sanctions pouvant aller jusqu'à des peines de prison.


Conclusion


Le Boa de Dumeril est un serpent magnifique,docile et facile à élever.
Malheureusement il est extrêmement menacé dans son pays d'origine.
Si vous désirez élever cette espèce,il faut absolument acquérir des animaux nés en captivité dans le but de les reproduire.




Texte de Nicolas Hussard.