Animaux venimeux et toxines animales
Depuis la nuit des temps ou plus exactement depuis l’avènement de la vie,les stratégies évolutives n'ont eu cesse de se diversifier,tant pour permettre une colonisation plus optimisée des différents milieux,que pour se défendre et enfin,attaquer.
L'arrivée des prédateurs a exigé que certaines espèces se protègent plus activement contre une partie d'entre eux.Enfin les prédateurs eux mêmes,dans un soucis d'efficacité et d'économie d'énergie,ont développé des stratégies fort intéressantes sur le plan biochimique.
Nous allons passer en revue quelques-uns de ces phénomènes,qui pour certains nous préoccupent sur un plan médical,pour d'autres s'accompagnent de comportements bien particuliers et originaux.
On évoquera aussi les différents mimétismes,phénomènes parfois complémentaires de la toxicité sur le plan éthologique.
Dans un premier temps,nous allons brosser un aperçu très général de la question des venins,et autres toxines portées par le monde vivant.Ensuite nous verrons quelques notions sur les différents phylums comportant des animaux venimeux,ainsi que leur répartition.Puis nous rentrerons plus en détail dans les classes d'animaux qui nous intéressent ici,c'est à dire les amphibiens,les reptiles,les insectes et les arachnides.
Présentation des animaux venimeuxDe nombreux organismes procaryotes (les bactéries) et eucaryotes (animaux,végétaux...) élaborent des stratégies complexes pour se défendre des agresseurs,ou bien pour faciliter la capture de leur repas.Celle qui nous intéresse plus particulièrement ici est la synthèse et/ou l'utilisation de substances toxiques.
On distinguera classiquement les animaux venimeux et les animaux vénéneux qui contiennent des substances toxiques dans leurs tissus et dont l'ingestion provoque des réactions nocives.Ces derniers font preuve d'une passivité totale et il faut les gouter pour s'envenimer.
Quant aux animaux venimeux,ils injectes ou projettent leurs toxines sur une proie ou un prédateur:parfois les toxines sont simplement excrétées à la surface du tégument,ce qui les rend alors non comestibles.
On sépare encore les animaux venimeux en deux groupes:
-les venimeux actifs,qui procèdent à l'injection de toxines.C'est le cas par exemple des scorpions,serpents,scolopendres,araignées...
-Les venimeux passifs,qui utilisent leurs produits pour se défendre.On citera les amphibiens,les iules...
Cette limite n'est pas bien nette,puisque certains iules peuvent projeter leur à quelques dizaines de centimètres.
D'une manière générale,on peut dire que ce second groupe renferme des espèces qui sont plus lentes-voir indolentes-que dans le précédent.
Les animaux venimeux:diversité et répartitionL'utilisation du venin est une adaptation à la prédation ou à la défense de l'organisme.
Cette capacité a été développé par tout les grands groupes d'animaux.Et si l'on ne peut décrire de comportement type,on peut tout de fois signaler que les animaux venimeux sont plus actifs que les animaux vénéneux.
Les animaux toxiques sont présents presque partout,mais c'est dans les zones chaudes qu'ils sont largement les plus abondants.Quand on s'éloigne de cette zone,leur nombre diminue,et ils sont absents de l'Arctique comme de l'Antarctique.en outre,ils habitent aussi bien les continents que les océans et sont ainsi présents dans tout les milieux.
Dans les mersNombre d'invertébrés aquatiques (surtout tropicaux) sont venimeux.Les cnidaires tout particulièrement (qui regroupent méduses,coraux,anémones,gorgones...) munis de leurs fameux nématocystes:c'est le nom que portent ces cellules renfermant un harpon venimeux projeté au moindre contact avec le cil sensitif.Les effets qui nous sont les plus connus sont les "brûlures" de méduses ou d'anémones qui sont en réalité des centaines ou des milliers de piqûres empoisonnées.Notons que dans ce phylum,toutes les espèces sont pourvues de venins.
Le
palythoa est un cnidaire ressemblant à une petite anémone,dont la toxicité non protéique est la plus puissante connu du règne animal.
D'autres invertébrés marins sont toxiques et potentiellement dangereux pour l'homme.Certains vers,tels que les annélides polychètes munis de nombreuses soies motrices possèdent parfois des soies urticantes.Malgré tout ce qui a pu être dit sur ces animaux aux piqûres douloureuses,il ne semble pas qu'il y ait de glandes à venins.Les douleurs causés par les vers de feu
(Hermodice carunculata) et ses cousins ne seraient en fait dues qu'à l'introduction d'un corps étranger cassé sous la peau (les amateurs de récifs coralliens comprendront de quoi je parle).
Dans l'embranchement des mollusques,on peut citer la classe des céphalopodes,et les fameuses petites pieuvres australiennes à anneaux bleus (
Hapalochlaena lunulata et
H.maculosa),mais on notera que nos pieuvres et seiches communes
(Octopus vulgaris,Sepia officinalis) peuvent mordre et provoquer des envenimations,assez rarement toutefois.
Les vertébrés marins venimeux sont représentés essentiellement par les poissons,qui peuvent posséder des épines venimeuses (rascasses,vives,...).
Tantôt,certains organes renferment des toxines puissantes (sécrétées par l'organisme même ou pas),potentiellement mortelle pour l'homme;le cas du
fugu (tétrodontidé) est le plus connu.
On trouvera aussi des serpents marins (
Hydrophiinae et
Laticaudinae) dont la toxicité du venin est très redouté,à juste titre,même si ils ne sont généralement pas agressifs.
Sur les terresLes arthropodes venimeux sont largement les plus nombreux et outre les crustacés,toutes les classes renferment des animaux toxiques:insectes,myriapodes et arachnides.
On distinguera à l'intérieur de ces classes,des ordres venimeux et d'autres pas,avec un pourcentage et une toxicité variable.Il nous faudra plus tard rentré dans les détails.
En ce qui concerne les vertébrés terrestres,la quasi-totalité des espèces venimeuses font partie des amphibiens et reptiles (essentiellement des serpents).
Trois espèces d'oiseaux (au moins) possèdent des toxines et pas la moindre puisqu'il s'agit d'une batrachotoxine (similaire à celle de certains
Dendrobates);ce sont des
Pitohui qui vivent en Nouvelle-Guinée.
Et seulement quelques mammifères sont toxiques:en Océanie,trois espèces primitifs subsistent,l’ornithorynque et deux échidnés,qui appartiennent à la sous classe des monotrèmes.Ils sont primitifs par le fait qu'ils ont un cloaque,pondent des œufs,assurent une couvaison mais n'ont pas une excellent thermorégulation et allaitent leurs petits mais n'ont pas de mamelles.Les mâles ornithorynques adultes sont pourvus d'éperons venimeux à la base des pattes postérieures,qu'ils peuvent orienter.Ils contrôlent aussi l'injection de venin,grâce à des glandes situées à la base des cuisses.Notons que les mâles des autres espèces ont des éperons non fonctionnels,mais devaient en posséder autrefois;en outre les deux sexes développent des éperons qui tombent chez les femelles à la puberté.Enfin toujours en ce qui concerne notre classe des mammifères,deux autres familles sont capables d'infliger des morsures venimeuses:deux espèces de solénodontes antillais et une centaine d'espèces de musaraignes à dents rouges,mondialement réparties.
Que sont les venins?La composition des venins est très complexe.Ils renferment une multiplicité de composants qui sont sécrétés par une ou plusieurs glandes de l'animal.L'évolution vers les venins semble difficile à interpréter,mais les progrès de la biochimie nous permette aujourd'hui de mieux saisir l'origine de ces macro-molécules.En effet,il semble que toutes ces substances actives soient en fait des dérivés de substances présentes dans l'organisme et n'ayant aucune activité nocive.
Les substances les plus actives sont appelées toxines et sont des protéines (ou des peptides) qui perturbent le fonctionnement des nerfs,des muscles ou du système cardio-vasculaire.On trouve généralement plusieurs toxines dans un venin,et d'autres produites participant activement ou non,à l'envenimation et à l'agression de l'organisme.Certains animaux (mollusques,gastéropodes nudibranches par exemple) "recyclent" les poisons contenus dans les plantes dont ils se nourrissent et s'en servent pour leur propre protection.
Il existe donc deux origines pour les venins d'animaux:endogène (sécrétion interne) et exogène (substance empruntée à d'autres organismes).
Les enjeux du venin sont l'efficacité et la rapidité d'action.Quand une proie est envenimée,il s'agit de ne pas la perdre de vue,ni de continuer à lui courir après trop longtemps.Lorsque c'est un prédateur,il faut qu'il ressente les désagréments aussi vite que possible afin de modifier son comportement vis à vis de l'agressé.Et même si il est déjà trop tard pour la victime,la cuisante douleur voire les complications enseigneront à ce chasseur qu'il n'est pas bon de gouter à cette espèce et à tout ceux qui lui ressemblent.
Les différents appareils venimeuxLe venin est ,on l'a dit,très complexe et majoritairement formé de protéines,aussi est il élaboré par les organites cellulaires de certaines glandes comme n'importe quelle autre protéine.Les cellules excrètent ensuite ce produit qui sera stocké dans des réservoirs.
Il sera alors directement disponible,par simple écoulement,chez les animaux venimeux passifs qui ne possèdent pas de système d'inoculation:les grosses glandes à l'arrière de la tête des crapauds laissent suinter un liquide blanchâtre et visqueux,qui n'est autre que le venin.
Mais qu'en est il des autres animaux que l'on qualifie facilement de méchants,du fait qu'ils sont capables d'injecter activement leur mélange empoisonné?
L'appareil vulnérant,servant à infliger la piqûre ou la morsure et permettant,par cette porte,la pénétration des agents chimiques,s'est modifié au cours de l'évolution,parallèlement à la mise en place des glandes à venin.Il est même devenu très perfectionné,souvent à partir des structures ou d'appendices corporels ayant une toute autre fonction originelle.Par exemple,l'organe de pontes de certains hyménoptères s'est modifié en aiguillon,relié à une glande à venin.Tandis que chez d'autres familles c'est une véritable tarière,permettant la ponte dans le corps d'autres animaux,dans les tiges des plantes ou le tronc des arbres.
L'appareil venimeux,tout comme la composition du venin et ses effets,doivent être étudiés précisément en fonction du groupe d'animaux considéré,car de nombreuses formes et variantes existent.Ainsi le venin est il acéré grâce à une aiguille acérée,un harpon ou une scie barbulée,ou encore à l'aide d'une pince (mâchoires,chélicères...). Il pourra alors,selon le cas,s'écouler passivement dans la coupure ou bien être conduit plus profondément grâce à une gouttière centrale.
Pendant les dernières décennies,les technologies d'investigations biologiques ont été révolutionnées,et de très sérieuses recherches sont actuellement faite sur les toxines du vivant,dans le but d'apprendre à soigner les symptômes ou de mettre au point des sérums antivenimeux.Mais les modes d'actions des toxines nous permettent également d'étudier les mécanismes de reconnaissance et de liaisons des récepteurs des cellules.Enfin,la découverte de nouveaux médicaments,issus de poisons ou de fractions de poisons,est une piste que la médecine prend dans sa recherche infinie des nouvelles "molécules magiques". Il n'est pas interdit de croire qu'il puisse exister des substances anticancéreuses synthétisées par des plantes ou des animaux.
Texte de Hugues Mouret.